Parvenir à la parité n'est pas une tâche impossible
L'arrivée sur le marché du travail d'un nombre croissant de femmes diplômées n'a pas suffi à briser le plafond de verre qui empêche leur ascension au sommet de la hiérarchie des entreprises. Alors qu'elles représenteront bientôt plus de la moitié de la force de travail à l'échelle mondiale, les femmes continuent d'être très largement minoritaires aux postes de direction. En 2009, elles représentaient seulement 3 % des directeurs généraux des 500 plus grandes entreprises dans le monde, 15 % des membres de conseil d'administration de ces mêmes organisations et 14 % des cadres dirigeants des sociétés cotées.
Une étude récente (Pipeline's Broken Promise, Nancy Carter et Christine Silva, Catalyst, février 2010), réalisée auprès d'hommes et de femmes diplômés, révèle que les difficultés que rencontrent ces dernières ne se limitent pas à atteindre les postes de direction, mais jalonnent toutes les étapes de leur carrière. Ainsi leur vitesse d'avancement, leur salaire et leur niveau de satisfaction quant à leur travail demeurent-ils inférieurs à ceux des hommes, à diplôme égal, et ce dès le début de leur carrière.
Force est donc de reconnaître que les initiatives mises en oeuvre par les entreprises pour améliorer la situation des femmes n'ont pas produit les effets escomptés. L'erreur serait cependant de conclure à l'inefficacité de ces mesures sans chercher à évaluer leur impact. Au moment où la plupart des multinationales affichent leur volonté d'agir, il est nécessaire de capitaliser sur l'expérience de celles qui ont activement essayé de lutter contre ces discriminations.
S'appuyant sur une analyse des politiques mises en oeuvre par plus de 700 entreprises américaines au cours des trente dernières années, les sociologues Alexandra Kalev, Frank Dobbin et Erin Kelly ont révélé d'importantes disparités quant à leur efficacité ("Best Practices or Best Guesses ?", American Sociological Review, 2006). Si les programmes de formation visant à améliorer la gestion de la diversité de la force de travail ne semblent pas avoir produit d'effets significatifs, d'autres initiatives ont contribué à changer la donne. La mise en contact systématique des jeunes cadres, hommes et femmes, avec un ou plusieurs mentors au sein de l'entreprise, a permis d'améliorer la trajectoire des femmes. Mais c'est surtout la nomination d'une ou plusieurs personnes chargées de la gestion de la diversité qui a permis de lutter contre les discriminations.
La création de tels postes est une étape nécessaire pour permettre à l'entreprise de s'engager dans un diagnostic approfondi de ses pratiques. En l'absence d'un tel diagnostic, le risque est de seulement dénoncer les inégalités les plus visibles sans jamais s'attaquer à leurs causes. Or, si certaines discriminations à l'encontre des femmes sont facilement identifiables, telles les différences de salaire par rapport à leurs homologues masculins à niveau de qualification égal, d'autres, pourtant prégnantes, sont plus difficiles à déceler.
Moins biens connectées
Les femmes sont, par exemple, souvent moins bien connectées que les hommes dans les réseaux informels de relations dans l'entreprise, ce qui constitue un désavantage pour accéder aux ressources et pour développer les soutiens nécessaires à tout processus de promotion. Les biais inconscients à l'encontre des femmes, quand il s'agit d'évaluer leurs compétences, sont une autre source de discrimination trop souvent ignorée. Comme maintes études le démontrent, à niveau de performance égal, les femmes sont, en général, moins favorablement jugées que leurs homologues masculins.
Les stéréotypes concernant la division des rôles entre les sexes continuent de biaiser notre perception. Les entreprises, conscientes de ce problème, ont aujourd'hui la possibilité d'agir efficacement pour lutter contre les discriminations. Ce faisant, elles pourront non seulement s'appuyer sur le talent de l'ensemble de leur force de travail, mais aussi participer au changement de mentalité nécessaire quant au rôle des femmes dans la société. Il en va de leur intérêt et de leur responsabilité.
Auteur : Julie Bentallina, professeur à la Harvard Business School