La présomption d'une discrimination suffit pour condamner
Le retard important subi par un salarié dans le déroulement de sa carrière, par rapport à l'ensemble des salariés se trouvant dans une situation comparable, sans que l'employeur ne puisse justifier de raisons objectives expliquant celui-ci, permet de présumer que ce retard n'est pas étranger à la discrimination ethnique invoquée par le salarié.
Un salarié engagé depuis 1970 dans une entreprise saisit les juridictions prud'homales d'une demande de paiement de dommages et intérêts en réparation de la discrimination dont il estime avoir été victime dans l'avancement de sa carrière en raison de son appartenance ethnique.
L'employeur prétend dans un premier moyen que le défaut d'avancement du salarié serait en réalité dû à des difficultés d'ordre disciplinaires, dont les faits avaient été couverts par une loi d'amnistie. La cour d'appel ainsi que la Cour de cassation écartent ce moyen, les faits appréciés souverainement par la cour d'appel indiquant plutôt une discrimination raciale, non couverte par la loi d'amnistie.
Les juridictions se penchent en conséquence sur l'existence d'une discrimination, constituée ou pas au regard d'un faisceau d'indices : différence de rémunération, de grade par rapport aux autres salariés occupant les mêmes fonctions, la réalité des fautes reprochées au salarié, lesquelles n'ont pas donné lieu à une procédure disciplinaire aboutie, désaccord en ses supérieurs sur l'opportunité de l'avancement qu'il convient de réserver au salarié, etc. L'employeur reconnaît en effet que l'absence de justification du différentiel de salaire peut caractériser une violation de la règle « à travail égal, salaire égal ». Il conteste cependant le caractère discriminatoire en raison de l'appartenance raciale du salarié de ce défaut d'avancement, rien ne permettant de rattacher ce retard à la prise en considération du salarié à son origine raciale.
La Cour de cassation confirme cependant la cour d'appel sur ce point également : l'employeur « ne justifiait d'aucune raison objective pouvant expliquer le retard important subi par le salarié dans le déroulement de sa carrière ». Rien ne prouve que l'appartenance raciale n'en soit pas la cause, les juridictions saisies sont donc fondées à déduire des éléments de fait que « ce retard n'était pas étranger à la discrimination ethnique invoquée par le salarié ».
Par ailleurs, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) était également partie à l'instance. Les juridictions allouent en conséquence une indemnité spécifique en réparation de l'atteinte directe ainsi établie aux valeurs correspondant à son seul objet social.
Sources :
Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-19.505, FS-P+B, Sté Renault c/ M. S. et a.