La police prise en flagrant délit de « faciès »

Publié le par Eligi Formation

Le contrôle au faciès est désormais une réalité. Selon une récente étude menée par le CNRS, les Arabes et les Noirs ont, respectivement, jusqu’à 11 et 15 fois plus de risques d’être contrôlés que les Blancs à Paris. Un problème que ne reconnaissent pas encore les autorités policières mais sur lequel il faudrait sérieusement réfléchir.

 

Les contrôles d'identité effectué par les policiers à Paris ont été jugés discriminatoires par le rapport « Polices et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris »

« Les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont ou paraissent être ». Telle est la conclusion du rapport publiée le 30 juin dernier intitulée « Polices et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris ».

Ainsi, les Noirs ont entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques de faire face aux contrôles policiers que les Blancs. Quant aux Arabes, ils ont entre 1,8 et 14,8 fois plus de risque d’être contrôlés. Ce qui n’était qu’un sentiment de discrimination de la part des minorités visibles est devenu un fait avéré scientifiquement.

 

Cette étude a été menée de pair par deux chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Fabien Jobard et René Lévy, et l’Open Society Institute, une fondation privée américaine dont le but consiste à promouvoir la gouvernance démocratique et les droits humains.

 

Les résultats ont été établis à l’issue, d’une part, de l’observation, entre octobre 2007 et mai 2008, des caractéristiques des personnes passant sans se faire arrêter (37 000 au total) avec celles qui se sont fait contrôler (profil ethnique, âge, sexe et tenue) ; d’autre part, du décodage de 525 contrôles d’identité effectués sur cinq sites parisiens autour de la gare du Nord et de Châtelet.

Outre l’appartenance à une minorité visible, le port de vêtements associés aux « cultures jeunes » (gothique, punk, hip hop, rasta, etc.) augmente le risque d’être contrôlé. Alors que les personnes habillées typiquement « jeune » constituent 10 % de la population disponible sur les lieux, elles sont 47 % à avoir été contrôlées. Les deux tiers d’entre eux étaient issus de minorités visibles.

 

Considéré comme un acte de prévention contre les délits et les crimes, le contrôle d’identité vise à fouiller un suspect. Être Noir, Arabe ou habillé « jeune » serait, pour un certain nombre de policiers français, des indices étroitement liés au risque de commettre des infractions. La décision de contrôler les personnes en fonction de l’apparence physique est discriminatoire.

Pour lutter contre cette pratique, facilitée, selon l’étude, par « un cadre juridique permissif », une série de recommandations ont été émises à l’intention des autorités politiques et policières.

 

Reconnaître le « délit de faciès » pour mieux le combattre

Le rapport propose, entre autres, d’enregistrer systématiquement le profil ethnique des personnes contrôlées et d’expliquer les motifs du contrôle aux personnes concernées afin de vérifier l’impartialité des opérations.

 

Mais, avant tout, il est essentiel de « reconnaître publiquement l’existence d’un problème de contrôle au faciès » au sein de la police française et d’« encourager (…) les recherches pour déterminer l’ampleur du problème ». L’objectif est clair : « déboucher sur un vrai débat de société et sur des initiatives politiques » pour être en mesure d’affronter le problème.

 

Cependant, les autorités policières restent peu bavardes sur ce sujet. Un mois après la publication de ce rapport, la Préfecture de police de Paris n’a pas souhaité réagir aux questions de Saphirnews. « Elle s’est largement exprimée à ce sujet », justifie un porte-parole. Ce qui peut être interprété comme une frilosité dénote un certain malaise au sein du corps policier depuis la publication du rapport.

 

« Le travail policier ne peut pas s’apparenter à un sondage, où on chercherait à être représentatif de la population. Notre mission, c’est de prévenir des délits et des crimes, pas de représenter la société », déclarait la commissaire Marie Lajus, autre porte-parole de l’institution pour Mediapart. Les actes ne suivent pas encore les beaux discours. La mesure des discriminations reste bel et bien un sujet sensible en France.

Publié dans Ouvrages

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