La "discrimination territoriale" : un casse-tête pour la HALDE
La Halde est de plus en plus saisie par les collectivités locales , comme dernièrement avec Grigny. L ‘occasion d’attirer l’attention sur les inégalités entre les territoires, en plein bras de fer avec l’Etat sur les dotations budgétaires.
Ce n’est pas vraiment le genre de « clients » auquel la Halde est habituée. La semaine dernière, la commune de Grigny, dans l’Essonne, a décidé de saisir la Haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Elle estime que les hausses d’ impôts, qui avaient été imposées en 2009 par arrêté préfectoral alors que la ville frôlait la faillite, constituent une « discrimination territoriale ». Les autres communes alentour, en effet, n’ont pas eu à les subir, selon elle.
Curieuse démarche ? Pas tant que ça. La Courneuve, la Seine-Saint-Denis et leNord-Pas-de-Calais ont déjà montré la voie. Mais pour la Halde, c’est un vrai casse-tête. Depuis sa création, en 2004, elle s’occupe avant tout de recours individuels, comme les discriminations à l’embauche ou au niveau des salaires. Même si, comme le rappelle Fabien Dechavanne, chef du pôle biens et service de la Halde, cette dernière peut aussi « être saisie par des personnes morales, plus précisément par une personne avec un mandat qui lui permet de s’exprimer au nom d’une collectivité ». Le cas de Grigny serait donc recevable. Certains autres, moins. En Seine-Saint-Denis et dans le Nord-Pas-de-Calais, ce sont des députés de l’opposition qui avaient saisi la Halde. La légitimité des deux élus, dépourvus de mandat exécutif, à s’exprimer au nom des habitants est remise en cause et pour le moment, ces deux dossier restent d’ailleurs en suspens.
La notion même de « discrimination territoriale » pose également problème. Elle n’apparaît pas dans les statuts de la Halde, qui n’a pas non plus vocation à se prononcer sur les discriminations liées au lieu de résidence. D’ailleurs, elle n’est pas non plus prévue par la loi. « Pour les recours individuels, nous avons une grille d’analyse déjà établie, à partir de l’âge, du sexe, de la couleur de la peau, reconnaît Fabien Dechavanne, mais pour la discrimination territoriale, nous en sommes au stade de la réflexion ».
La Halde va devoir examiner si Grigny a été défavorisée dans l’application de la loi, mais se heurte à de nombreuses difficultés dans son appréciation. Faut-il comparer le sort de la commune à la situation moyenne au niveau national ? A une commune voisine ? Grigny pourrait même se prendre à son propre jeu. A la préfecture, en plein bras de fer avec la commune, le secrétaire général Pascal Sanjuan estime en effet qu’elle bénéficie d’une sorte de « discrimination positive, car c’est une des seules communes de France à recevoir des subventions à 100% par l’Anru et 60% de l’enveloppe départementale du plan de relance pour le renouvellement urbain ».
Quoiqu’il en soit, la Halde n’a qu’un avis consultatif. Même si d’aventure elle se prononçait en faveur de Grigny et des autres collectivités, cela aurait surtout une valeur symbolique. La démarche de la ville est donc avant tout politique. Alors que, rigueur oblige, l’Etat a décidé de geler les dotations budgétaires aux collectivités en 2001, ce sont surtout les retombées médiatiques qui intéressent Grigny. Comme d’autres communes de banlieue en difficultés financières, elle a signé un manifeste pour une réforme de la politique de la ville et encourage d’autres villes à saisir la Halde… en le faisant évidemment savoir. « Passer par la case ‘discriminations’ permet de remettre la question des inégalités sociales dans le débat public, et de contester la fatalité des différences entre territoires », résume Fabien Dechavanne.
Source : L'Expansion