Injures racistes d'un opthalmologiste envers un père d'origine maghrébine : une affaire médiatiquement mal traitée
Une affaire de racisme a fait la une des médias ces derniers jours concernant des injures racistes proférés par un ophtalmologiste d'Aix envers un père qui accompagnait sa fille pour se faire ausculter.
L'ophtalmologiste ayant du retard, le père arrive dans le cabinet pour demander quand sa fille serait prise car ce père avait des rdv professionnels. C'est à ce moment que l'ophtalmologiste lui aurait proféré des injures racistes.
La Justice a classé sans suite l'affaire faute de preuves concernant l'infraction d'injures racistes.
De ces faits, a priori, a découlé une affaire médiatique que j'appellerai d'histoire médiatique type dans lequel le manque de recul et la non maîtrise du problème dominent.
En effet, on peut relever différents points d'analyse qui portent défaut au fond de l'histoire et où les différentes parties ont souffert de cet emballement médiatique.
1/ emballement médiatique et associatif sans réserve
Dès la révélation dans les médias de cette affaire une association de lutte contre le racisme s'est tout de suite porté au secours du père insulté en affirmant que c'était scandaleux (vérifier les propos) que ce genre de comportement devait être condamné vigoureusement. Les médias en font leurs choux gras sans prendre le temps de la prise de recul nécessaire quant à l'événement. Car tout affaire de racisme et/ou de discrimination nécessite un discours et un comportement prudent car dans le passé les médias se sont parfois emballés trop vite, à tort.
Par exemple, l'affaire du RER B où une jeune femme avait déclaré avoir subi une agression à caractère raciste alors qu'elle avait inventé cette histoire de toute pièce et dont le battage médiatique avait été immense alors que l'enquête judiciaire n'était pas encore terminé. les politiques s'étaient également engouffré dans l'histoire dénonçant un acte d'une rare barbarie. Pour mémoire, seul Jean-Paul Huchon avait fait preuve de prudence en disant espérer que cette histoire était réelle. La suite de l'affaire lui avait donné raison.Le principal problème de ce genre de mensonge est que cela dessert la lutte contre le racisme et les discriminations car cela engendre une confusion et une méfiance vis-à-vis de ce genre de comportement. C'est aussi pour cela que la législation en la matière est si sévère car ces actes sont inacceptables et à l'encontre de nos principes républicains. C'est aussi pour cela que le législateur a adopté une mesure d'aménagement de la charge de la preuve dans la procédure civile pour une affaire de discrimination car ces actes sont difficiles à prouver.
Cela m'amène au point suivant : la confusion entre racisme et discrimination.
2/ Racisme, discriminations; quelles définitions ?
Souvent on confond les deux notions alors que juridiquement ils recouvrent deux champs bien distincts dont le point commun est la discrimination à caractère raciste. La preuve avec l'image ci-dessous extrait d'un site internet d'une chaîne de télévision où l'on peut lire "Discrimination : insulté de "sale arabe" par son médecin"
Une grosse erreur apparaît dans cette image puisque "insulte" et "discrimination" ne vont pas ensemble. Explications :
Le racisme est une idéologique vise à considérer l'existence de races entre les êtres humains dont certaines se croient supérieures à d'autres et se donnent le droit de dominer les races qu'elle considère comme inférieures (ex : l'esclavage noir, la Shoah, le génocide rwandais).
Dans le Code Pénal, le racisme est défini comme suit : ensemble de comportements et d'attitudes visant à la dévalorisation et au rejet d'individus en raison de leur origine, réelle ou supposée, et plus directement de toute une série de caractéristiques sensibles qui sont : l'appartenance ethnique, la nationalité, la religion et la "race" (race est utilsé dans les textes juridiques suite aux différents textes internationaux faisant référence à "human race".
Ce qui est donc condamné, en France, sont des actes tel que : injure raciste, diffamation raciste, contestation de crimes contre l'humanité, profanation de sépultures...). Depuis 2003, divers délits et crimes commis pour un mobile raciste est considéré comme une circonstance aggravante.
Le racisme est un délit pénal, en France, depuis la loi Pleven du 1er Juillet 1972.
La discrimination est un délit pénal défini à l'article 225-1 et suivants du Code Pénal. Est considéré comme une discrimination tout acte visant à traiter différemment une personne ou un groupe de personnes à raison deleur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Par ailleurs, la discrimination est condamnable lorsqu'elle vise à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service, à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque, à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1, à subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1, à refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Pour qualifier un acte comme discriminatoire, l'acte doit correspondre à au moins l'un des critères et à au moins l'un des domaines susvisés. Donc, s'il n'y a pas un critère et un domaine il n'y a pas discrimination, juridiquement parlant.
On comprend donc, par ces définitions que la différence principale entre le racisme et la discrimination est que le premier est d'abord une idéologie pouvant se traduire par des actes, alors que le deuxième est un acte qui n'est pas forcément porté par une idéologie.
Cela me semble d'autant plu important de préciser ces notions que la HALDE est victime de cette confusion puisque, chaque année, bon nombre des signalements qu'elle reçoit pour, a priori, des discriminations n'en relèvent pas.
3/ Le poids des stéréotypes et des préjugés
Dans plusieurs articles traitant de cette affaire, les journalistes précisent le métier de ce père de famille. Pourquoi ? Quel intérêt pour le traitement de l'information ? Cela me questionne car cela veut peut-être révéler que ce père de famille contrairement, aux autres issues de la même origine, est une personnes cultivée, ayant une situation socio-économique stable. Et donc, pour ne pas stigmatiser la population d'origine maghrébine, les journalistes ont précisé son métier. Mais n'est-ce pas stigmatiser encore plus la population maghrébine en précisant son métier ?
C'est comme lorsque, pour traiter, d'actes de délinquance, les médias vont préciser l'origine ethnique du ou de la délinquant(e) si cette personne est noire, asiatique, maghrébine... mais jamais lorsque le délinquant est blanc. En quoi cette information sur l'origine ethnique est pertinente pour le lecteur si ce n'est stigmatiser une population ?
4/ le fond de l'affaire
Sans vouloir porter un jugement sur cette affaire, il faut se poser la question suivante : est-ce que les injures racistes ont été proférés ?
- Oui ? les injures ont été proférés, mais les personnes présentes ont refusé de confirmer ces propos auprès de la police, de peur de représailles pour les salariés du cabinet médical ou de conflit entre l'ophtalmologiste et ses collègues. Dans ce cas, le fait de cautionner les propos racistes est grave car cela ne fait que conforter le racisme ambiant dans notre société de ces derniers mois. Et pour le père de famille, cela signfie refuser de reconnaître les injures subies et une non reconnaissance de la souffrance vécue suite à ces injures. +
- Non ? les injures n'ont pas été proférées et là nous avons à faire face à un père de famille qui, parce qu'il n'a pas accepté de se faire rejeter par l'opthamologiste qui était, a priori, en consultation, et donc a voulu se venger, car il n'acceptait d'avoir son rdv en retard. Dans ce cas, l'attitude de ce père de famille serait dangereuse pour la lutte contre le racisme et ferait perdre toute légitimité au travail réalisé par les associations de lutte contre le racisme. Ce qui légitimerait la procédure de l'opht
En tout cas, cette affaire révèle la difficulté de traiter ce genre d'informations qui nécessite une maîtrise des notions de racisme et de discrimination qui fait, hélas, parfois défaut aux médias qui, à leur décharge, n'ont pas forcément le temps de traiter dans les meilleures conditions ces informations.
Pour ce qui est des parties concernées, quoiqu'il se passe, par la suite, ils seront affectés à vie par cette histoire et cela est bien dommage.