Immigrés, étrangers, de quoi parle-t-on ?
Les relents de racisme de ces derniers mois - les débordements lors de la manifestation du PSG au Trocadéro, par exemple - renforcent un "sentiment" d'être envahis par des "sauvages" venus profiter des allocations, voler l'emploi des "vrais" Français, etc. La faute donc à l'immigré. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Dans le cadre de mes actions, je constate que la plupart des participants confondent nationalité, origine, religion, ethnie. Pour certains arabe et musulman c'est la même chose, d'autres pensent qu'un noir ou un arabe sont des personnes étrangères...
Or, l'INSEE apporte des informations précises, notamment sur les notions d'"étranger" et d'"immigré". L'étranger est une personne qui vit en France mais n'ayant pas la nationalité française. Elle peut être née en France ou à l'étranger. L'immigré est une personne de nationalité étrangère, née à l'étranger, et venu s'installer en France. Il peut avoir acquis la nationalité française, mais gardera le statut d'immigré. Par contre, un Français né à l'étranger (d'au moins un parent français), ne sera pas considéré comme immigré.
Il n'y a donc aucun rapport direct entre étranger-immigré et la couleur de peau ou la religion d'une personne. Cet amalgame, souvent entretenu par les médias mais aussi au sein de nos écoles (je suis parfois obligé de rattraper les erreurs de langage de certains enseignants d'histoire-géographie). Donc voilà deux définitions qui permettent de mieux comprendre ce qu'est l'Autre, notamment celui qui vient en dehors de la France.
Pour compléter, voici deux articles, issus du Centre d'Observation de la Société, qui donnent des éclairages sur la population étrangère et immigrée vivant en France. Nous sommes bien loin de cette soi-disante "invasion venue de l'étranger et qui menacerait notre civilisation".
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D'où viennent les immigrés ?
5,4 millions d'immigrés résident en France, soit 8,4 % de la population, selon les données 2009 de l'Insee. Une présence historique : en 1931, ils représentaient déjà 6,6 % de la population. Au fil de notre histoire, un très grand nombre de nationalités se sont établies sur notre sol, en provenance d'Europe, d'Afrique ou d'Asie notamment. Le niveau de développement de la France, ses liens avec les anciennes colonies, en font depuis un siècle et demi une terre d’immigration. Aujourd'hui, 90 % des immigrés sont établis en France depuis plus de six ans, la moitié plus de 25 ans.
En 2009, deux millions d'immigrés sont originaires d'Europe, soit 38 % de l'ensemble. Avec près de 600 000 personnes, la communauté portugaise est la plus représentée, suivie des Italiens (310 000) et des Espagnols (250 000). Une immigration historique, qui a notamment contribué très largement à l'essor de l'économie française dans l'entre-deux-guerres et après la Seconde Guerre mondiale. 2,3 millions d'immigrés viennent d'Afrique (43 % du total), notamment du Maroc (660 000) mais surtout d'Algérie (720 000), première communauté immigrée en France. Des populations immigrées le plus souvent en provenance d'anciennes colonies, qui pour beaucoup ont été appelées en France dans les années 1960 et 1970 pour alimenter les besoins en main d'œuvre, des mines à l'industrie automobile, en passant par le bâtiment et les travaux publics. Enfin, 770 000 immigrés viennent d'Asie (14 % du total), dont 242 000 de Turquie, une immigration qui date des années 1960, là aussi pour les besoins de l’industrie. Il faut noter que l'immigration des pays "riches" d'Europe n'est pas négligeable : 390 000 personnes viennent d'Allemagne, de Belgique et du Royaume-Uni, pas uniquement des retraités venus s'établir dans le Sud-Ouest de la France. On compte 36 000 immigrés venus des Etats-Unis.
La République française a toujours cherché à gommer le "melting pot" français au nom de l'universalisme, mais sa population immigrée est diversifiée : qu'il s'agisse de nationalités, de cultures, d'âges ou de milieux sociaux notamment. Pour partie d'ailleurs, les racines immigrées de notre pays sont gommées par ces données : de nombreux enfants et petits-enfants de Portugais, d'Italiens, d'Espagnols puis d'Algériens ou de Marocains, sont nés en France et devenus Français. Ils ne se distinguent plus du reste de la population dont ils constituent une composante à part entière, qu'ils soient caissière, maçon, ministre de l'Intérieur voire même chef de l'Etat.
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La place des immigrés et étrangers en France
5,4 millions d’immigrés et 3,7 millions d’étrangers vivent en France, selon les données du recensement 2008 de l’Insee. Les premiers représentent 8,3 % de la population, les seconds 5,8 %. Environ deux millions de Français (3 % de l'ensemble) habitent à l'étranger, selon le ministère des affaires étrangères.
Source : Insee, données 2008
Les immigrés sont des personnes nées étrangères à l’étranger et venues s’installer en France (lire notre définition). Une partie, par la suite, a pu acquérir la nationalité française : 41 % des immigrés sont Français, 59 % étrangers. Ce qui les caractérise, c’est la migration.
Les étrangers sont tous ceux qui vivent en France et qui n’ont pas la nationalité française. Ce qui les caractérise, c'est la nationalité, pas le fait d'avoir changé de pays. Une partie née en France de parents étrangers, deviendra presque en totalité française à l’âge de 16 ans. En 2008, 15 % des étrangers étaient nés dans l'Hexagone.
La part des immigrés dans la population française augmente de façon relativement constante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, passant de 5,4 % en 1954 à 8,3 % aujourd’hui. La progression est très modérée par rapport à d’autres pays d’Europe : le taux était de 7,4 % dans l'Hexagone au milieu des années 1970. En revanche, la proportion d’étrangers en France connaît des mouvements d’oscillation entre 4,5 et 6,5 %. Depuis le début des années 1980, la part des étrangers a diminué, de 6,8 à 5,8 aujourd’hui. Ces évolutions correspondent aux mutations économiques, sociales et culturelles d'un monde où les échanges (de marchandises, d'hommes, d'informations, etc.) s'affranchissent de plus en plus des frontières 1.
Une part plus importante de la population a des ancêtres venus de l’étranger. C'est le cas de très nombreux personnages célèbres de notre pays, dont l'ancien président de la République. L’Insee estime ainsi que 5,6 millions d'adultes sont nés à l'étrangers, dont 460 000 nés Français (mais d'un parent né étranger à l'étranger), et que 4,5 millions sont nés en France mais descendants directs d'étrangers. Parmi ces descendants 2,2 millions ont deux parents immigrés, 2,3 millions un seul parent. Au total, un cinquième de la population française est soit née à l'étranger, soi née d'au moins un parent étranger.
La mesure de la descendance a un intérêt limité. Pour évaluer l'implantation des immigrés, la durée est plus significative 2. Le passé migratoire de la France est ancien. Le processus s'est accéléré à la fin du XIXe siècle, notamment avec l'arrivée d'Italiens 3. Aujourd'hui, la moitié des immigrés sont installés depuis plus de 24 ans en France, 80 % depuis plus de dix ans (données 1999). Cela signifie que sur les 5,4 millions, 4,3 millions vivent en France depuis au moins une décennie...