Etats-Unis - Discrimination positive : chronique d’une mort annoncée ?
Depuis dix ans, l’affirmative action est remise en cause par différentes décisions de cours de justice et de la Cour Suprême des Etats-Unis.
Deux exemples récents montrent aujourd’hui les limites d’une discrimination, certes en faveur de populations fortement discriminés, mais dont la finalité n’est plus aussi certaine.
L’exemple des pompiers de la Ville de Buffalo
Douze pompiers blancs de la cette ville de l’Etat de New-York ont gagné un procès pour discrimination. Ces pompiers se sont vus empêchés d’accéder à des promotions en raison de leur couleur de peau.
Malgré des notes plus élevés aux examens, ces pompiers ont été recalés au bénéfice de pompiers noirs. Dans un métier où la sécurité du public et des pompiers eux-mêmes est primordiale, la compétence a été mise de côté au profit de la couleur de peau.
Ces décisions avaient été prises en 2005 et 2006 par les deux maires successifs de la ville. Les pompiers ont perçu un dédommagement moyen de 230.000 dollars par personne, qui compense les pertes de revenus liées aux promotions refusées ainsi qu’au préjudice subi.
Joseph Fahey, un des douze plaignants a déclaré « Voici la vraie nature de la discrimination à l’envers. Quand ça arrive à des noirs, tout le monde est justement touché, mais quand ça arrive à des blancs, ça n’intéresse personne. »
Il faut savoir que le maire que la première décision avait été prise par le Maire Masiello qui cherchait à s’attirer les votes de la communauté noire. Le successeur, Byron Brown, a poursuivi cette politique raciale.
L’exemple d’Abigail Fisher, étudiante
Cette étudiante affirme avoir été victime d’une discrimination aboutissant au rejet de son admission à l’Université du Texas.
L’Université concernée par la plainte procède à deux sortes de distinctions pour sélectionner ses étudiants : 10% des meilleurs élèves de l’Etat sont d’abord acceptés en priorité, sans distinction de genre ou d’origine. En revanche, pour le reste, le principe de l’affirmative action est appliqué.
La Cour Suprême américaine a accepté de statuer sur le fond de cette affaire. Déjà, en 1978 et 2003, elle avait statué en faveur de l’affirmative action, il pourrait en être autrement dans cette affaire. En effet, la décision de 2003 avait prise à 5 voix contre 4. Mais, en 2007, la même Cour Suprême interdit la discrimination positive à l’entrée des écoles publique, à 5 voix contre 4 considérant que « La recherche par les écoles d’un objectif estimable ne veut pas dire qu’elles sont libres d’effectuer une discrimination sur la base de la race pour l’atteindre. »
La Cour Suprême devrait rendre sa décision dans le courant de l’automne.
Analyse
Adopté en 1961 par le Président Kennedy, l’objectif initial de l’affirmative action était de s’assurer que l’emploi ne soit pas soumis aux discriminations raciales. En ce sens, les programmes financés par le gouvernement fédéral devaient prendre des mesures en faveur d’une action positive.
En 1964, cette initiative est renforcée par le Civil Rights Act, interdisant toute discrimination dans l’accès à l’emploi et aux établissements scolaires, en favorisant les minorités jugées en position de faiblesse. A cette époque, le taux chômage des Noirs est deux fois supérieur à celui des Blancs.
Par la suite, d’autres décrets et projets de loi ont renforcé ce principe.
Même si le principe vise à lutter contre les discriminations subies par les minorités, 50 ans après, ce dispositif est remis en question, car les publics non concernés par ces dispositifs se sentent, à leur tour, victime de discrimination et ont l’impression de vivre une véritable injustice.
Depuis la fin des années 70, l’affirmative action est de moins en moins perçue comme un mode d’accès à l’égalité des chances justifiable.
Et en France ?
Régulièrement, le sujet fait débat. Même si le principe est différent de celui-ci des Etats-Unis, puisque les critères sont sociaux, la discrimination positive est présente dans notre société depuis 30 ans. La création des Zones d’Education Prioritaire (ZEP), par le Ministre de l’Education Nationale, Jérôme Savary, en 1981, avait pour objectif de donner plus de moyens aux établissements scolaires en raisons de critères socio-économiques, dans le but de lutter contre l’échec scolaire.
D’autres exemples sont à citer : la parité en politique, le quota de 6% de salariés handicapées dans des établissements publics et privés de plus de 20 salariées… Et dernière action positive en date : d’ici 2018, 40% de femmes devront être nommées dans la haute fonction publique.
Que ce soit en France, ou aux Etats-Unis, le problème fondamental reste le même : les mentalités et les freins culturels. La situation inégalitaire de nos sociétés est avant tout le fruit des préjugés et stéréotypes dont nous sommes toutes et tous les porteurs et les victimes. En cela, aucune politique de discrimination positive ne fera changer cet état de fait.
Sources :