Condamnation d'un gérant de camping antibois pour discrimination raciale
Le gérant du camping Le Rossignol à Antibes a été condamné, ce mardi, par le tribunal correctionnel de Grasse pour discrimination raciale à 3 000 € d'amende et l'affichage de la décision à l'entrée de son établissement.
Le 26 juillet 2010 dans la matinée, deux Normands de 30 et 39 ans en vacances se présentent au camping Le Rossignol, avenue Michard-Pelissier. Tarik*, un jeune d'origine maghrébine pas typé, se rend à la réception pour demander un emplacement pour une tente de deux personnes tandis que Karim reste dans la voiture. Après avoir renseigné Tarik sur les tarifs, le responsable demande qui est la personne dans la voiture, se penche, aperçoit Karim, plus typé, puis semble changer d'attitude et annonce que le camping est complet. Tarik insiste : « Il n'y a pas de panneau indiquant que vous êtes complet». « On ne loue pas à des cons» aurait lâché le gérant, excédé.
Les deux Normands racontent aussitôt leurs mésaventures au téléphone à une amie qui appelle ce même jour vers 13 h 30 la réception du camping. Au téléphone, on lui indique qu'il reste de la place.
Les deux campeurs refoulés décident de ne pas en rester là et portent plainte. Après 2 ans de procédure, le gérant est renvoyé devant la justice grassoise.
« Les mêmes services pour tous »
« Je ne me rappelle absolument pas de ces personnes » assure, à la barre du tribunal, le sexagénaire qui précise : « Nous ne louons pas d'emplacement le matin. On indique aux clients de revenir à 14 heures ».
« Une pratique commerciale étrange » relève le président Jean-Paul Grattesol.
L'enquête, initiée par le défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante dont la mission est de lutter contre les discriminations, a révélé que le 26 juillet 2010, 34 emplacements étaient disponibles.
S'adressant au prévenu, le président, ironique, résume : « Le 26 juillet au matin le camping est complet et l'après-midi 34 emplacements se sont libérés d'un seul coup».
Le gérant, qui nie les faits, se dit victime d'un complot.
« Depuis 1967 ce camping familial accueille une clientèle de toutes les origines, plaide en défense Me Martine Bittard. Pourquoi s'acharnerait-il sur ces jeunes ? » « Il faut que les tribunaux prennent des décisions exemplaires, pour que les comportements changent. Tous les citoyens français doivent avoir accès aux mêmes services, quelques soient leurs origines » martèle Amadou Diallo, président de SOS Racisme 06.
Pour Me Florence Dnidni, avocate des parties civiles, « cette violence morale doit être réparée ».
La vice-procureure Gwenaëlle Ledoigt dénonce « une pratique scandaleuse, passible de 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende » avant de demander au tribunal de condamner le gérant du Rossignol à 10 000 euros d'amende. Amende revue à la baisse par le tribunal qui condamne également le camping à verser 500 euros de dommages et intérêts à chacune des victimes normandes, un euro symbolique pour SOS racisme, outre la publication et l'affichage du jugement.
« Une question de principe »
« On s'est senti rabaissé, souillé. Il nous a gâché nos vacances. On voulait que l'humiliation qu'on a subie soit reconnue. C'était une question de principe, indiquent à la sortie de l'audience Tarik et Karim qui avaient fait le déplacement depuis Evreux. On espère que ça va le faire réfléchir et que notre combat servira à d'autres. Maghrébin, africain, chinois… nous on a rien demandé. On veut juste avoir les mêmes droits ».
*Les prénoms des victimes ont été modifiés.
Source : Nice-Matin