Assistant parlementaire ou la pénibilité dans l'ombre d'un député

Publié le par Eligi Formation

Harcèlement moral, discrimination à la grossesse, licenciement sans préavis : à l'Assemblée nationale, où l'on vote la loi, de nombreux assistants parlementaires se plaignent que leur député-employeur prenne ses aises avec le droit du travail.

"Sur les 2.300 collaborateurs parlementaires actuellement en exercice, on ne compte plus aujourd'hui ceux qui sont licenciés sans motif, poussés à la démission sans indemnités, en arrêt-maladie pour cause de harcèlement moral ou sexuel", dénonçait en février l'Union syndicale des collaborateurs de parlementaires (USCP-UNSA).

"Moi, j'avais affaire à un +pervers maniaque+ qui jubilait à me harceler moralement. Combien de fois ai-je entendu: +vous êtes nulle+, +je ne vous supporte pas+...", raconte l'ex-assistante d'un député PS.

Depuis 2007, cette multi diplômée en droit coule des jours professionnels plus heureux auprès d'un autre élu socialiste.

"C'est un peu comme jouer à la loterie", résume une autre assistante, Marie (tous les prénoms ont été modifiés) qui affirme avoir pioché un très mauvais numéro, en 2007, avec son député UMP.

"Cela a commencé à mal se passer quand j'ai dit que j'étais enceinte, après la période d'essai", se souvient la jeune femme. Et son employeur mandate un de ses collègues UMP lui dire de "faire attention" à elle et à son bébé.

La situation n'a fait qu'empirer pendant son hospitalisation et après un accouchement difficile, poursuit la jeune maman, qui affirme avoir reçu trois lettres d'avertissement. L'une d'elles expliquait qu'elle n'avait "pas envoyé (ses) arrêts-maladie" et qu'elle avait "déserté (son) poste de travail".

"Risible! En fait, il essayait de m'abattre sur le plan psychologique", soupire celle qui a quitté son emploi avec sept mois d'indemnités au terme d'une "rupture conventionnelle"... et travaille désormais à mi-temps pour un autre député UMP, "adorable, humain".

Autre doléance: les licenciements arbitraires et/ou sans préavis.

Sophie a travaillé pendant six ans avec un député UMP. Un beau matin, "il m'a convoquée pour me proposer un mi-temps ou la porte". Elle refuse: "Il a fait couper mon portable. J'ai reçu un courrier de licenciement avec interdiction de revenir à l'Assemblée".

Autre exemple: Alice a travaillé pendant trois ans à quart-temps pour un ténor du PS "sans que celui-ci ne (la) rencontre une seule fois".

Elle a été licenciée pour "réorganisation de l'équipe" en 2007: "Il n'a d'abord pas pris la peine de me convoquer à un entretien préalable, comme le requiert le droit du travail. J'ai donc demandé à être reçue. En trois ans, je l'ai vu vingt petites minutes".

Interrogée en avril, Lucie était alors en arrêt maladie pour dépression après cinq ans au service d'un député UMP qui cherche à tout prix un mandat local après sa défaite aux cantonales en 2008.

Elle invoque un conflit de valeurs: "On me demande de communiquer pour faire la promotion d'un mec qui ne fait rien et qui, en plus, ment. J'ai craqué: déprime, somnifère, anxiolytique...".

Face à cette souffrance, Jean-François Cassant (UNSA-USCP) dénonce le refus des trois députés questeurs, responsables du buget de l'Assemblée, "de résoudre des problèmes du droit du travail".

Ces derniers invoquent la responsabilité individuelle des députés-employeurs. L'un d'eux, Richard Mallié (UMP), évoque même des situations tout autant pénibles pour les élus : "des députés me disent qu'ils +n'en peuvent plus+ de leurs collaborateurs".

 

Par Karine ALBERTAZZI et Samir TOUNSI, Le Point

Publié dans Discrimination

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