Affaire Baby Loup : l'interdiction du port de signe religieux confirmé en appel
Une décision sans précédent validant un licenciement en 2008 pour port du voile islamique dans une crèche privée française a été confirmée ce jeudi en appel, ce qui est vu comme une victoire pour le principe de laïcité par l'établissement. La cour d'appel de Versailles (Yvelines) a confirmé la décision du conseil des prud'hommes de Mantes-la-Jolie rendue en première instance en décembre, a indiqué l'avocat de la crèche Baby Loup, Me Richard Malka.
La juridiction d'appel a estimé que le principe de laïcité, en vigueur dans le service public scolaire, pouvait s'appliquer à un établissement comme cette crèche, dont le règlement intérieur impose la neutralité religieuse. Les prud'hommes estiment que les employeurs étaient juridiquement fondés à licencier en 2008 pour «insubordination caractérisée» Fatima Afif. Cette dernière demandait 80.000 euros de dommages et intérêts.
«C'est une avancée majeure de la construction de la laïcité dans ce pays», a déclaré Me Malka. Il sera possible selon lui dans de nombreux établissements privés d'interdire le voile. La plaignante, qui invoque le principe de liberté religieuse, peut se pourvoir en cassation mais on ignore toujours sa décision pour le moment.
Le cas de Baby Loup est devenu emblématique du débat sur la laïcité, et a créé des remous au sein de la Haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). Celle-ci a pris une délibération condamnant le licenciement, avant que son éphémère nouvelle présidente, Jeannette Bougrab, promette un nouveau débat, qui n'a pas eu lieu à ce jour. Plusieurs personnalités, comme la philosophe Elisabeth Badinter, s'étaient exprimées en faveur de la crèche et avaient assisté à l'audience des prud'hommes en novembre.
Analyse
Cette décision de justice modifie substantiellement les règles du Droit du Travail. Le Code du Travail n'interdit pas le port de signes religieux. Mais, cette interdiction doit être conditionnée par des raisons d'image de l'entreprise (pour des postes de commerciaux par exemple) ou de sécurité. L'affaire Baby Loup ouvre une nouvelle voie puisque, c'est le projet associatif qui détermine l'autorisation ou non de signes religieux. Dans ce cas précis, le port est interdit. Cette décision va donc ouvrir la voie à de nouvelles interdictions dans le secteur privé, alors que cette interdiction de fait était avant tout interdite dans la fonction publique, où les salariés doivent faire preuve de neutralité.
Cette affaire révèle également une autre problématique : la confusion entre laïcité et athéisme. Me Malka parle de victoire pour la laïcité. Pour ma part, il s'agit avant tout d'une victoire de l'athéisme contre la laïcité. En effet, le terme de laïcité signifie la non prééminence d'une religion sur les autres. Toutes les religions sont égales au regard de la loi française. L'affaire Baby Loup démontre une fois de plus le manque de compréhension de ce qu'est la laïcité qui est utilisé pour faire de l'anticléricalisme et non pour garantir le vivre ensemble. uelles vont être les conséquences à venir : un renforcement du communautarisme religieux ? Une radicalisation encore plus forte de la communauté musulmane qui est encore fois pointée du doigt ? Est-ce que le même traitement aurait été imposée pour un(e) chrétien(ne) ?
Le sujet de la religion reste extrêmement sensible dans la société française où il est très difficile de trouver des positions convenant à tout le monde. La laïcité devait, à l'origine, être un moyen de favoriser le respect de tous les citoyens français quelque soit sa religion. L'affaire Baby Loup va sûrement, hélas, produire l'effet inverse.
Source : 20 Minutes